La Vendange 2018 par James

«Disparu sans laisser de trace : le Mistral »

Ou « Mille Mildiou de Mille Sabords »

Au cours des deux derniers millésimes, je me suis plaint du manque de précipitations dans le Vaucluse tout au long de l’année, mais particulièrement pendant la saison de croissance. Je ne me plains plus… Ou du moins plus pour ça.

La fin d’année 2017 était restée assez sèche, ce qui était un peu inquiétant: seulement 465 mm de pluie à Unang au cours de l’année, un record depuis que nous sommes ici (la moyenne étant de 750 mm depuis 2003). Après un début 2018 raisonnablement humide, alors que les nappes phréatiques avaient réussi à emmagasiner des réserves, nous avons fini avec 462 mm de pluie fin mai – l’hiver pluvieux a cédé sa place à un printemps pluvieux.

Le nord de l’Europe prenait des airs Australien, sol aride et cultures sèches, tandis que la Provence se montrait particulièrement verdoyante jusqu’au moment des récoltes. Les plantes ici, et plus largement la nature, semblaient profiter de ces niveaux d’humidité plus élevés. Les insectes étaient plus nombreux.

Cependant, les pluies prolongées ont maintenu les températures du sol plus basses et réduit les heures d’ensoleillement. Un début lent et inégal pour la saison de croissance, voire même la floraison. Les fleurs potentielles (qui deviennent ensuite des grappes) sur le Grenache étaient si impressionnantes que je me souviens avoir pensé: «Si on a des pertes à cause de la coulure cette année, ça ira quand même, les grappes sont énormes !»

Mais l’humidité entraîne la pression de la maladie, et avec les mois d’avril et de mai humides, la pression liée au mildiou s’accentue à mesure que les températures montent lentement. Habituellement, le Mistral chasse les nuages ​​et la pluie, et sa présence confirme que Carpentras est l’une des villes de France ayant le plus grand nombre d’heures d’ensoleillement. Cette année, il ne s’est manifesté qu’à la fin du mois de juin et on ne sait pas trop pourquoi (peut-être un lien avec le Jet-stream qui ne se trouvait plus au nord en 2018, à confirmer…). Dans tous les cas, ça nous a beaucoup manqué.

La première quinzaine de Juin a été si humide et chaude (du 28 mai au 12 juin 2018), nous avons enregistré 11 jours de pluie sur 16 jours ! Cette pluie est venue en tempêtes (parfois plus de 20 mm) et de nombreuses régions viticoles ont souffert de la grêle à cette période-là puis plus tard dans la saison. Heureusement, nous n’en avons eu qu’un léger aperçu, là où d’autres ont fait face à plusieurs chutes dévastatrices.

En Agriculture Biologique, nous protégeons nos vignes en pulvérisant du cuivre sur les vignes. Il s’agit d’un produit de contact qui peut être lessivé par la pluie et n’est donc efficace qu’en traitement préventif. Nous sommes limités sur la quantité que nous pouvons utiliser par an. Cette limite ne s’applique pas aux viticulteurs en Agriculture Conventionnelle qui eux utilisent des traitements au cuivre dits «systémiques» qui pénètrent dans la plante / le fruit directement – pas de problème de lessivage – et agissent de façon curative, en traitant le mildiou quand celui-ci est déjà présent.

Ainsi, le mildiou sur le Grenache (et le Carignan – ce que nous n’avons pas) a été la saga de l’année dans tout le sud de la Vallée du Rhône. Par endroits, nous avons perdu 80% de la récolte, dans d’autres, peut-être 60%. La Syrah, le Cinsault et le Mourvèdre ont été relativement peu touchés. C’est le Grenache Blanc dans la Vallée qui a été le plus brutalisé, il a perdu ses fruits et ses feuilles au profit du champignon.

Un déclic s’est amorcé à la mi-juin et les températures estivales ont dépassé les 40 ° C pendant un long moment. Les précipitations ont été limitées à des ondées passagères occasionnelles et la saison de croissance s’est déroulée normalement, sans fruit sur le Grenache, les dégâts ayant déjà été causés.

Les vendanges ont débuté avec un retard d’environ 10 jours par rapport à l’année précédente (chaude et sèche).

A cause d’une floraison marquée par l’humidité, la nouaison fut irrégulière et il était évident qu’il y avait de grands écarts de maturité des raisins, même sur la même souche, sur la même parcelle, et sans parler des vignes voisines. Le moment clé, à savoir « quand ramasse-t-on » n’en a été que plus délicat, d’autant plus que nous avons eu des températures chaudes jusqu’à la récolte, et la rosée du matin pouvait déclencher à tout moment la pourriture dans certaines zones basses ou mal ventilées.

Ainsi, ce qui a commencé comme une année froide / humide s’est terminé en une année chaude / sèche. Dans les cuves, les extractions au cours des fermentations et des macérations ont suivi le schéma des années précédentes avec beaucoup de couleur et de tanins facilement et rapidement extractibles. Les niveaux d’acide sont restés faibles pour nous – comme d’habitude – ; la qualité : au rendez-vous.

Les pires rendements de Grenache dont j’ai entendu parler étaient de 4 hl / ha. De notre côté nous n’en sommes pas là, mais il est certain que l’on parle en chiffre et non en nombre (nous nous situons généralement autour de 25 à 30 hl / ha). Bizarrement, d’autres régions du Ventoux et du Rhône méridional ont enregistré des récoltes exceptionnelles. L’été indien, qui a duré jusqu’à la première semaine d’octobre, a permis une récolte dans des conditions idéales. Certains producteurs en Agriculture Biologique s’en sont bien sortis, certains producteurs conventionnels ont perdu la plus grande partie de leur récolte… Avec des conditions climatiques aussi localisées, ce fut une année difficile à prévoir.

Notre petite récolte devrait être prometteuse, merci l’été indien ! Comme je l’ai dit pour chacune de ces trois dernières années : on croise maintenant les doigts pour une année plus productive.
JK 12.10.18

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